Il y a des moments où c'est le creux de la vague, où le manque de temps conjugué au manque d'inspiration se conjugent pour laisser passer les semaines sans qu'une note n'apparaisse sur ce blog (si, si, il faut de l'inspiration pour écrire ici!). Hé bien, je me suis dit que je n'avais qu'à alors citer des passages de livres, ceux qui m'ont le plus touchés, ceux qui sont forts, ceux qui brassent ou donnent de l'énergie pour lutter, changer ou bouger ou mettent en colère. Cet extrait du livre "Un éternel Tréblinka" de Patterson fait tout ça à la fois et plus encore.
Il raconte comment l'artiste peintre anglaise engagée, Sue Coe, visita pendant six ans des abattoirs. Un livre et des peinture seront créés suite à ce temps passé dans ce monde caché de la mort. En six ans, elle a vraiment eu le temps de voir d'innonbrables atrocités, mais une scène a particulièrement marqué son esprit (et il y a de quoi), comme le raconte Patterson. Cette scène si bien décrite nous immerge dans l'ambiance très spéciale des abattoirs. Ce passage, je ne l'oublierai jamais.
"Alors qu'elle s'avance dans la salle d'abattage pour s'installer avec son carnet de croquis dans l'embrasure de la porte qui sépare les vaches attendant la mort du lieu où elles la trouveront, une sonnerie stridente se déclenche soudain et les ouvriers se dispersent por le déjeuner. "On me laisse donc seule avec six corps [de vaches] décapités et pissant le sang. Les murs sont éclaboussés, et il y a déjà des gouttes sur mon carnet. Je commence à m'habituer à ce que les mouches viennent se coller à moi comme aux cadavres."
Sue Coe sent alors quelque chose bouger à sa droit et s'approche de l'enclos pour mieux voir.
A l'intérieur, il y a une vache. Elle n'a pas été assommée ; elle a glissé dans le sang et elle est tombée. Les hommes sont allés déjeuner en la laissant là. Les minutes passent. De temps à autre elle se débat, heurtant de ses sabots les parois de l'enclos. Comme c'est une boîte métallique, les coups sont assourdissant avant que le silence revienne, puis d'autres chocs. Une fois elle lève suffisamment la tête pour regarder hors de la boîte, mais à la vue des cadavres suspendus, elle retombe. On entend le sang qui goutte et de la musique sort d'un haut-parleur. Ce sont les Doors, tout un album.
Sue Coe commence à dessiner, mais quand elle jette à nouveau un coup d'oeil dans la boîte, elle remarque que le poids de la vache a fait sortir du lait de ses pis. Tandis que le lait s'écoule doucement vers les drains, il se mêle au sang, et ils disparaissent ensemble à travers les grilles. Une des pattes blessées de la vache sort au bas de l'enclos métallique. "J'avais envie de pleurer pour cet animal, mais j'ai écarté toute empathie de mon esprit, comme le font les ouvriers." Plus tard, elle dit à Martha [directrice de l'abattoir] que les vaches lui semblent bien jeunes pour être abattues, même pas traites. Martha explique qu'à cette époque le prix du lait s'effrondre et que les fermiers ne peuvent pas se permettrent de garder leurs vaches. Ils les mettent donc sur le marché.
Quand les ouvriers reviennent de leur déjeuner, ils remettent leurs tabliers jaunes et retournent à leurs tâches. (...) Sue Coe voit entrer un homme qu'elle n'avait pas encore remarqué. Il donne trois ou quatre coups de pied violents à la vache blessée pour tenter de la faire se lever, mais elle ne peut pas. Danny se penche dans la boîte métallique et tente de l'assommer de son pistolet pneumatique, qui enfoncera une balle de douze centimètres dans son cerveau. Quand il pense avoir un bon angle de visée, il tire et "il y a un violent claquement, exactement comme celui d'un pistolet normal."
Danny appuie sur un bouton et la paroi métallique de l'enclos se soulève, découvrant la vache gisant là. Il s'en approche, attache une chaîne à l'une de ses pattes arrière et la soulève. Elle lutte, ses pattes s'agitent tandis qu'elle s'élève, la tête en bas. Sue Coe remarque que certaines vaches sont totalement assommées et d'autres pas du tout. "Elles se débattent comme des folles pendant que Danny leur tranche la gorge. Tout en exécutant son oeuvre, Danny parle à celles qui ne sont pas assommées : "Allez, ma fille, sois gentille!" Sue regarde le sang gicler "comme si tous les êtres vivants étaient des récipients mous qui n'attendaient que d'être percés." Danny s'approche de la porte et fait avancer la prochaine vache d'un coup de bâton électrique. Il y a beaucoup de résistance et de coups de sabots, car les vaches sont terrifiées. Tandis qu'il les force à entrer dans l'enclos où elles sont assommées, Danny répète d'une voix chantante : "Allez, ma fille!"."
photographies : L214
Oeuvres de Sue Coe